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« Achète toi des lunettes c****** », « Ils t’ont payé combien pour être aussi nul ? » ou encore « Avec ton sifflet, t’aurais mieux fait de faire chef de gare », l’arbitre de rugby est souvent le bouc-émissaire de supporters et d'entraineurs mécontents. Pourtant, il est une composante essentielle du jeu, sans qui rien ne serait possible. Immersion dans un environnement finalement très méconnu, parfois méprisé et peu prisé. Rencontre également avec ceux qui, malgré les critiques et parfois l'ingratitude du poste, place leur passion du rugby avant tout. 

le 31ème homme

Arbitre de rugby, 

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Il y a ceux qui sont arrivés là par motivation et ceux qui y sont entrés par pure obligation mais qui sont finalement restés par passion. Difficile, donc, de dresser le portrait type de l’arbitre moderne. Petit, grand, trapus ou bien encore élancé, il est à l’image du joueur de rugby qu’il arbitre. Sportif, assurément, bon joueur pas si sûr. Rémi Janotto, en charge du développement de l’arbitrage au sein du comité Midi-Pyrénées de rugby, souligne en effet qu’ « un bon arbitre n’est pas nécessairement un bon joueur et un bon joueur, un bon arbitre ». Mais alors quelles sont les qualités pour être un bon arbitre ? De l’autorité naturelle pour certains, l’art d’énoncer des propos clairs et cohérents pour d’autres. Et finalement être solide mentalement pour tous. 


Louis Ferrieu, lui, n’a jamais joué en club auparavant. Après s’être essayé à différents sports, c’est finalement vers l’arbitrage qu’il se tourne grâce à David Attoub, son beau-frère, ancien joueur professionnel et lui-même arbitre amateur. « Le rugby est le seul sport qui me donne envie d’arbitrer, pour toutes ses valeurs que l’on retrouve sur le terrain, même en tant qu’arbitre ». Depuis ses 16 ans, l'âge minimum requis pour commencer l'arbitrage, il a évolué et gravi les échelons pour officier aujourd’hui dans un giron régional au sein du comité d'Auvergne. Il est ce que l'on appelle un arbitre territorial, le troisième niveau d'arbitrage après arbitre stagiaire et arbitre en cours de formation. Louis est donc désormais en mesure d'arbitrer des matchs de 4eme série jusqu’à ce de la promotion Honneur, le plus haut niveau régional, mais également des équipes réserves fédérales. Et même s’il reconnaît qu’il n’a pas l’ambition de vivre de l’arbitrage, il n’exclut pourtant pas de passer au niveau supérieur, le niveau fédéral. 


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« Il est encore difficile de vivre de l’arbitrage et la stabilité à haut niveau va devenir, je pense, de plus en plus compliqué. C’est pourquoi je conseille aux jeunes qui désirent arbitrer de bien prendre conscience qu’il est important de continuer ses études en parallèle » Louis Ferieu.

Pour d’autres, cette étape est déjà franchie. C’est le cas de Rémi Janotto, qui en plus de son poste au comité de Midi-Pyrénées, est également arbitre de Fédérale 3 le week-end. Lui, fait partie de ceux qui sont tombés amoureux de l’arbitrage après avoir été obligé de devenir l’arbitre de leur club. A tel point que très vite son haut potentiel lui impose de faire un choix entre le jeu et l’arbitrage. « Si on veut évoluer vite et bien, il faut faire ce choix. Jouer et arbitrer à haut niveau en même temps est impossible, cela impliquerait très vite des conflits d’intérêts ». Alors que les critères d’entrée des niveaux précédents consistaient à passer des tests physiques et théoriques de plus en plus difficiles, le passage en fédéral, lui, marque une coupure nette dans le parcours des arbitres. « L’écrit du fédéral », comme l’appelle solennellement Rémi, pourrait s’apparenter à un examen de droit. Très scolaire, peut-être bien trop même souligne-t-il : « De très bons arbitres sur le terrain se retrouvent recalés à cet écrit ». Alors s’il semblait facile de devenir arbitre jusque-là, il n’en est rien de continuer à l’être à haut niveau. Cet écrit marquant ainsi une première sélection au passage entre le niveau amateur et professionnel. Dès cet instant, plus d'examens écrits, seuls les superviseurs qui notent les arbitres sur le terrain décident désormais des montées et des descentes de chacun.  


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Un milieu d’excellence. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, la France ne possède que 4 arbitres professionnels et 8 autres semi-professionnels. Et la concurrence devient féroce à ce niveau. Rémi est, en parallèle, membre d’un groupe de développement. Un nom barbare qui désigne en réalité un groupe de 25 personnes au haut potentiel à qui des moyens humains et financiers sont alloués. Préparateur physique, réunions sur des sujets hors règles et plus poussés, c'est tout un environnement qui est mis à leur disposition pour tirer le meilleur de chacun d’entre eux. « On y arrivera pas tous, certains d’entre nous le savent, d’autres non. Et c’est eux pour qui cela risque d’être douloureux ». Rémi tente de rester quant à lui réaliste même s'il ne cache pas son désir de monter encore quelques échelons. 

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Se former et évoluer : premiers pas 

Pour mieux comprendre les différents niveaux d'arbitrage cliquer sur l'icône.

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Quand la passion l'emporte...

Au-delà des ces différences, une chose est commune à tous ces niveaux : l’ingratitude du poste et l’amour du sport. Car comme le souligne Rémi : « Il n'y a pas plus amoureux du rugby que les arbitres eux-mêmes, car ils occupent finalement le rôle le plus ingrat ! ». Pourtant tout cela fait partie de la passion du jeu comme le souligne Louis : « Les petits noms d’oiseaux que lance le public font aussi partie de la beauté de ce sport tant qu’ils restent dans l’esprit bien entendu » avant d’ajouter que « les joueurs sont respectueux à 99,9 % du temps même s’ils ne sont pas toujours d’accord avec nos décisions, à tort ou à raison. Ils savent à quel point ce sport est difficile à arbitrer et de ce fait, comprennent que l’erreur est humaine. » Et effet, à Rémi de renchérir « Les jeunes qui viennent se former connaissent le milieu du rugby, savent comment cela se passe le week-end sur les terrains, où leurs parents sont parfois même les premiers à pester contre les arbitres. Donc quand ils viennent ici, d'une certaine manière, ils savent à quoi s’attendre. » Quelques conseils sont donc prodigués aux jeunes en formation mais la règle est qu’en réalité il n’y a pas de règle, pas d’école précise. Chacun gère ces situations avec ses armes et son tempérament. Pour autant, gérer des conflits, rester concentrer sur le match même lorsque le public vocifère, n’est pas donné à tout le monde. Certains sont plus solides que d’autres, c’est justement ce qu’explique Rémi. 

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Une anecdote d'un match difficile, par exemple ? 


Pour autant gérer des conflits n’est pas la seule prérogative d’un arbitre, sa fonction est également de sécuriser le match et ses acteurs ainsi que de le réguler. D'où ces trois mots d'ordre : sécurité, équité, continuité.


Pourtant à la question, « quel est, pour vous, le rôle d'un arbitre ? » tous n'apporte pas la même réponse. Pour les entendre, cliquer sur les images. 

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Ludovic Cayre, arbitre de Pro D2

Rémi Janotto, arbitre fédéral 

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L'arbitrage, un métier en pleine mutation

Toutefois, on ne peut comprendre ce poste sans évoquer tout son environnement. Pour ceux qui ont quitté le milieu du jeu pour rejoindre l'arbitrage, un temps d'adaptation leur a été nécéssaire. Sur le terrain, c'en est terminé de l'esprit de corps et d’équipe, l’arbitre se retrouve bien seul. Pendant 80 minutes, personne n’est là pour le remplacer et il sait que ni les joueurs, ni les supporters ne vont lui accorder ne serait ce qu'une seule seconde de déconcentration ou d'égarement. Et c’est précisément ce que confirme Louis : « L’arbitrage génère du stress et de la solitude. A la fin du match, personne ne nous amène un bouquet de fleurs pour nous féliciter. Il faut apprendre à relativiser. J’ai eu la chance d’avoir été encouragé par ma famille, mes amis et mes professeurs de sport du lycée. Etre entouré, cela permet aussi de passer au-delà des critiques. » avant d’ajouter tout de même « qu’il y a aussi régulièrement de très bonnes rencontres avec notamment tous les acteurs du jeu, du secrétaire du club en passant par les joueurs ou encore les entraineurs. » Un esprit de corps que l’on retrouve donc finalement en dehors des terrains. Comme un rappel des valeurs cohesive et fédératrice du rugby. Louis a même une anecdote à ce sujet, c’est lors de sa première réunion d’arbitrage qu’il a rencontré celui qui est, aujourd’hui, son meilleur ami. 

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Autre particularité de cet environnement : sa constante évolution. En effet, c’est d’ailleurs Louis qui le souligne le premier : « L’arbitrage est aussi synonyme pour moi de progrès car ce n’est pas une entité statique, on peut notamment le constater avec l’avènement de la vidéo ou bien dans le changement de quelques points particuliers du règlement chaque année. » Et malgré ces changements précédemment cités, l’arbitrage doit encore, aujourd'hui, évoluer. Notamment au niveau de de l'image qu'il renvoie auprès des joueurs, des entraîneurs et même des supporters. Pour cela, depuis quelques années, des discussions entre ces différentes entités s'entament plus fréquemment. Les obligations fédérales qui poussent les clubs à avoir leur propre arbitre désormais permettent en contre-partie de (re)nouer le dialogue et finalement de sensibiliser chacun à la fois au respect des règles mais aussi à celui des arbitres. Pareillement, de leur côté les éducateurs sont eux-aussi sensibilisés  à ces principes, étant parfois les premiers, après l'environnement familial, à reproduire les mauvais comportements devant les enfants. On le comprend donc, l’évolution des comportements fait encore partie des enjeux majeurs auxquels doit faire l’arbitrage aujourd’hui. 



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Exemple concret de cette volonté de faire évoluer les mentalités


Du 13 septembre 2015 au 20 mars 2016 se tient en Midi-Pyrénées la 27ème édition du Challenge Francis Galonnier. Organisé par la commission territoriale des arbitres de Midi-Pyrénées, ce challenge est destiné à la fois aux arbitres et aux clubs "dont les principes de base sont le respect des règles et l’estime réciproque". Pendant ces 6 mois, tous les arbitres et clubs évoluant au niveau régional vont être amenés à s'évaluer mutuellement afin d'améliorer les relations arbitres-clubs mais également la qualité de l'arbitrage territorial. Chacun d'entre-eux se voit à la fin respectivement récompensés. 


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De sorte qu'en améliorant ces relations entre clubs et arbitres, le comité espère, in fine, attirer plus de jeunes en son sein. En effet, même si aujourd'hui les obligations fédérales permettent d'assurer un nombre minimum d'arbitres, ce vaste comité qu'est celui de Midi-Pyrénées impose constamment de nouvelles recrues. Un nombre qui permettrait également au comité de se faire plus sélectif lors des désignations d'arbitres à chaque match.

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Jour de match

Ludovic Cayre, 26 ans, l’arbitre principal de la rencontre, officie à Albi son sixième match de Pro D2 depuis sa montée dans le secteur professionnel, cette année. Après s'être tourné vers l'arbitrage après une grave blessure aux cervicales en 2005, ce Lot-et-Garonnais a, depuis, gravi les échelons pour côtoyer, aujourd'hui, l'une des plus haute sphère du rugby français, la Pro D2, après le Top 14.


Toutefois, il ne fait pas partie de ceux qui ont un contrat professionnel. En parallèle, Ludovic est responsable qualité. Pour autant son train de vie n'est pas banal. Grâce à un patron compréhensif, il ne travaille que 4 jours dans la semaine afin de lui permettre d'arbitrer le week-end. Mais ce nouveau mode de vie n'est pas le seul changement auquel l'arbitre a dû s'adapter. Entre le secteur professionnel et amateur, il relève quelques différences : 


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Après avoir découvert les différents niveau d’arbitrage au sein du secteur amateur, il est temps de s’intéresser à un tout autre univers, celui professionnel. Pour cela, nous vous proposons d'entrer dans les coulisses d'un match de Pro D2 aux côtés de Ludovic Cayre et de toute son équipe, pour le match qui a vu s'affronter, vendredi 11 décembre, Albi contre Béziers en terre tarnaise. 

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Dans les coulisses de la rencontre, alors que le coup d'envoie est à 19h30, l’équipe d’arbitres est pourtant déjà sur le qui-vive deux heures avant le match. Et Ludovic a planifié à la minutes près le programme de ces deux prochaines heures. Une rigueur nécéssaire à un tel niveau. 

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Au programme donc après s'être changé : le rendez-vous habituel des joueurs et de l'arbitre 1h15 précisément avant le match. Un passage obligé que chaque arbitre gère à sa manière confie l'arbitre.

Ludovic, lui, demande d'abord aux joueurs s'ils ont des questions avant de leur rappeler les règles de la mêlée et autres règles de base. Il leur explique également ce sur quoi il compte mettre l'accent durant la rencontre. C'est justement ce point qui peut diférer d'un arbitre à l'autre.

Après le brief avec les joueurs, Ludovic s'adresse maintenant aux arbitres qui vont le seconder sur le terrain. L'équipe est composée de deux arbitres de touche, deux arbitres d'en but ainsi que deux autres situés dans la zone technique.

A leur tour, il leur explique précisément ce qu'il attend d'eux pendant le match. 

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Après avoir répondu aux questions de chaque joueurs, Ludovic donne rendez-vous aux deux capitaines pour faire le traditionnel toss une heure avant le match afin de laisser les deux équipes se préparer tranquillement . Ce pile ou face permet à celui qui l'emporte de choisir soit le côté de son terrain soit de lancer le coup d'envoie du match. 

Dernière étape avant le début du match : une vingtaine de minutes d'échauffement pendant lesquelles Ludovic commence à se concentrer sur la rencontre.



« Je me fais des focus. Je répète point par point les règles sur lesquelles je dois être particulièrement vigilants. »



Mais plus le temps de réfléchir, le match débute enfin. Et après un premier essai d'Albi au bout de la première minute de jeu, les supporters se font déjà entendre. L'occasion d'aller à leur rencontre afin recueillir quelques témoignages succincts à propos de leur vision de l'arbitrage en général.



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Côté supporters...

Cliquer ici pour jouer la vidéo

«  Je reconnais que nous sommes souvent de mauvaise foi. Quand on gagne c’est car nous avons bien joué et lorsque l’on perd c’est à cause de l’arbitre (rires) ! » 

« C’est vrai que l’on a tendance à oublier le rôle central des arbitres, du coup on a la critique facile. » 

« - Vous pourriez et voudriez prendre sa place ? 

- Ah ça non (rires) ! »

« Les commentaires sur les arbitres cela fait partie de la passion du rugby. Quand on est supporter, c’est difficile de garder son calme quand on estime qu’il n’y a pas eu de faute ou qu’au contraire elle y était. »

Cliquer sur le bouton pour écouter l'anecdote de Rémi. 

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Au bout de 80 minutes de jeu, aucun des deux camps n'aura finalement eu gain de cause, le match s'achevant sur un score nul de 16 à 16. Et à peine le coup de sifflet final donné, toute l'équipe d'arbitres retourne déjà aux vestiaires encadré cette fois-ci par le service de sécurité du club qui les accommpagnera jusqu'à la réception d'après-match. En attendant, Ludovic dresse déjà un premier bilan de ce sixième match de Pro D2. Le mot de la fin avec lui, en images.

Photo : Serge Gonzalez

Coup de sifflet final 

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Photo : Serge Gonzalez

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Reportage réalisé par Océane Oulés

Siffler la fin du match

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Arbitre,  un poste ingrat ?

Se former et évoluer : premiers pas

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